Alain-Fournier by Charton Ariane

Auteur:Charton,Ariane [Charton,Ariane]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
ISBN: 9782072477393
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2014-02-11T23:00:00+00:00

André Salmon et Alain-Fournier travaillaient avec l’adjoint de Charles Morice, Georges Le Cardonnel*2, que Fournier avait déjà rencontré par l’intermédiaire de leur ami commun, Jean Chesneau. Le Cardo, comme on l’appelait, avec sa « chevelure blonde rebelle, [s]a moustache en broussaille8 » était très désordonné. Cette agitation perturbait Fournier qui, poli et discret à l’image de François Seurel, ne se plaignait pourtant pas, souriant avec indulgence quand Le Cardo s’excusait.

Alain-Fournier eut sa carte de rédacteur à Paris-Journal à partir du 1er janvier 1910. Il commença par rédiger des échos signés de ses initiales pour une somme modique. Désireux de gagner davantage, il proposa à Morice d’écrire une série de contes et rédigea, non sans difficulté, au cours du mois de janvier, « Le Miracle des trois dames de village ». Rivière rendit aussi visite à Morice avec un projet de série de portraits de Beethoven, Nietzsche, Ibsen, Kipling, entre autres. Les deux jeunes gens croyaient que Morice serait sensible à leurs idées même si elles étaient plus littéraires que lucratives.

Charles Morice refusa la suggestion de Rivière, préférant des articles d’actualité. Quant au conte d’Alain-Fournier, il l’accepta sur le principe sans enthousiasme pour finir par le refuser. « Le Miracle des trois dames de village » parut de façon plus confidentielle dans La Grande Revue en août 1910.

L’histoire, si elle pouvait toucher le grand public, était écrite de façon trop poétique et Fournier ajoutait des détails et impressions qui se retrouveront dans Le Grand Meaulnes mais qui semblaient alors obscurs. Son conte met en scène trois dames qui bavardent dans un salon. Pendant ce temps, dans une maison abandonnée, la sœur de l’une d’elles est déshabillée et humiliée par l’amant avec laquelle elle avait rendez-vous et s’attire les moqueries des gens du village jusqu’à ce que sa sœur vienne la chercher.

Alain-Fournier l’a compris rapidement : son avenir dans la presse, les titres grand public comme les périodiques littéraires, dépend des concessions qu’il est prêt à faire. Quand il propose un conte à Morice, il pense encore poème en prose tout en sachant que ce n’est pourtant pas la bonne voie. Il résume bien son problème à Lhote : « [L]’arrière-pensée que c’est un conte de journal qu’on écrit est bien gênante. Et puis j’ai été obligé de faire un compromis entre la manière de Madeleine et la nouvelle manière que je ne possède pas encore à fond, de mon livre9. »

En ce début d’année 1910, Alain-Fournier se trouve à un carrefour : il commence à travailler au Grand Meaulnes, donc à changer de genre et, par là même, de style. Il expérimente sa nouvelle manière dans ce « Miracle des trois dames du village » mais le texte reste isolé, non soutenu par une intrigue plus élaborée. Qui plus est, ce devait être un texte destiné à un quotidien, donc pour un lectorat différent de celui de La Grande Revue ou de la NRF et Fournier sent qu’il a du mal à écrire pour le grand public. Pourtant, outre la somme

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